La folle histoire de l'équipe cycliste

"LE GROUPEMENT"

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Chapitre 2 : Un Champion du Monde qui dérange

 

Août 1994 - Décembre 1994

 

Le 28 août 1994, une date qui marquera à tout jamais l'histoire de cette équipe cycliste !

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UN MOIS D'AOUT TRES CHAUD !

Alors que la constitution de l'équipe cycliste "LE GROUPEMENT" s'est accélérée depuis la fin du Tour de France, le 24 juillet 1994, c'est le 18 août qu'une grande nouvelle tombe dans les colonnes du journal L'Equipe : Luc LEBLANC, le meilleur français du dernier Tour de France signe un contrat de 3 ans avec "LE GROUPEMENT".

Cette signature fait l'objet d'une polémique entre le coureur et son directeur sportif chez FESTINA, que le magazine VELO UN éclaircira dans son enquête publiée en avril 1995 (voir dans l'encadré vert).

C'est le 28 août, à Agrigente en Sicile, que se déroulent le 61ème championnat du Monde de Cyclisme sur route. Le parcours de 251 kms est annoncé comme sélectif, avec son circuit de 13,250 kms parcourus 19 fois et sa "bosse" de 2 kilomètres avec une pente moyenne de 10%.

170 coureurs de 26 nationalités différentes s'affrontent pour succéder à Lance ARMSTRONG, vainqueur devant Miguel INDURAIN de l'édition 1993. L'équipe de France affiche de grandes ambitions sur ce parcours qui semble convenir à Luc LEBLANC et Richard VIRENQUE.

Après un peu plus de 6h30 de course, et un final à suspense, c'est Luc LEBLANC qui remporte le titre devant Claudio CHIAPPUCCI à 9 secondes, Richard VIRENQUE complétant ce podium à forte connotation tricolore (5 coureurs français sont classés parmi les 20 premiers).

L'affiche officielle du 61éme Championnat du Monde

Luc Leblanc franchit la ligne d'arrivée en vainqueur 

Dès le lendemain, la victoire de Luc LEBLANC fait la Une des journaux, célébrant ce titre que la France attendait depuis la dernière victoire de Bernard HINAULT en 1980.

Parmi ces dizaines d'articles parus dans la presse nationale et régionale, un tout petit article, apparemment anodin, signé par Guy ROGER du journal l'EQUIPE, vient semer le trouble. Sous le titre "Les mystères du Groupement", Guy ROGER, volontairement ou pas, consciemment ou pas, vient de mettre "le feu aux poudres".

L'EMBRASEMENT MEDIATIQUE

Accusé par Guy MOLLET d'avoir fait circuler un livre présentant le sponsor de l'équipe cycliste "LE GROUPEMENT" comme une secte, Cyrille GUIMARD s'en défendra fermement dans un article publié dans le magazine VELO UN n°13 d'avril 1995 : "Ce n'est pas moi qui l'ait fait circuler ! Ce qui est sûr, en revanche, c'est que ce livre existait, et qu'il passait de main en main à l'époque des championnats du monde d'Agrigente - car je crois que c'est du championnat que tout est parti ... Evidemment, il a fini par passer dans mes mains comme il est passé dans les autres !"

Cet épisode du "livre qui circule à Agrigente" en restera là et la question "qui a emmené ce livre dans ses bagages avec l'intention de le faire circuler pendant le championnat du monde" reste donc sans réponse. Tout comme  la question "est-ce que ce livre aurait circulé, sans la victoire d'un futur coureur de l'équipe du Groupement" ?

Pendant le mois de septembre, les dirigeants de l'entreprise cherchent à rassurer le milieu cycliste à travers différentes opérations (communiqués de presse, portes ouvertes, ...), mais dès les premiers jours d'octobre, un évènement étranger au monde cycliste et à l'entreprise elle-même va jouer un rôle déterminant.

L'ORDRE DU TEMPLE SOLAIRE TUE !

53 membres de l'Ordre du Temple Solaire sont retrouvés morts au Canada et en Suisse le 4 octobre 1994. Subitement, cet évènement dramatique va pousser les médias et le pouvoir politique à s'intéresser au phénomène sectaire et à ses dangers.

En cet automne 1994, il ne se passe plus une semaine sans qu'un grand journal ou qu'une chaîne de télévision ne fasse un reportage sur tel ou tel mouvement sectaire, du plus dangereux au plus farfelu, y compris sur des mouvements existants, au vu et au su de tous, depuis de longues années (Mandarom, Raéliens, Scientologie, Témoins de Jéhovah, ...).

Dans ce contexte particulier, le sponsor de l'équipe cycliste "LE GROUPEMENT", sans qu'il ne soit prouvé qu'il soit une secte, va se trouver au coeur d'une véritable tempête médiatique. Le Centre de documentation, d'éducation et d'action Contre les Manipulations Mentales (C.C.M.M), interrogé à ce sujet au cours du mois d'octobre 1994, précise dans une réponse écrite que "les méthodes de recrutement et de mise en condition de cet organisme, inspirés par une conception très américaine du comportement, peuvent nous surprendre et même nous choquer ... Pour toutes ces raisons et malgré les réserves que l'on peut exprimer sur les méthodes du G.E.P.M., nous ne considérons pas celui-ci comme une secte."

L'EFFECTIF SE FINALISE

Pendant de temps là, les responsables de l'équipe cycliste restent concentrés sur la préparation de la prochaine saison et étoffent leur effectif. Deux coureurs prestigieux rejoignent LE GROUPEMENT : Graeme OBREE, le recordman de l'heure et Jean-Paul VAN POPPEL, le sprinteur aux 9 victoires d'étape dans le Tour de France.

Graeme Obree

Jean-Paul Van Poppel

En cette fin d'année 1994, les derniers coureurs qui rejoignent l'équipe cycliste "LE GROUPEMENT" sont Oleg KOZLITINE, Emmanuel HUBERT, Philippe BOUVATIER ... et Jérôme CHIOTTI. Ce jeune spécialiste du Cyclo-Cross est au chômage et Guy Mollet décide de lui donner sa chance après sa 2ème place lors d'une épreuve de Coupe du Monde de Cyclo-Cross en Espagne.

Le 9 décembre, Guy MOLLET accompagné de Claude VIANCIN, Président du Directoire du Groupement, dépose la caution bancaire au siège de la Fédération Française de Cyclisme. Comme le souhaite l'Union Cycliste Internationale, cette garantie bancaire est égale à 3 mois de salaires et de charges des coureurs et de l'encadrement. Cette garantie s'élève à 3.137.500 Francs.

Remise de la caution bancaire à Daniel Baal, président de la Fédération Française de Cyclisme

Tout est donc en place pour les débuts officiels de l'équipe cycliste "LE GROUPEMENT".

A suivre ...

TOUS LES DETAILS SUR LA SAGA DE L'EQUIPE CYCLISTE DU GROUPEMENT
(extrait d'une enquête publiée dans le magazine Vélo Un n°13 d'avril 1995)

AOUT 1994 - LE TITRE ET LE SCANDALE

Tard en soirée, dans un hôtel du Limousin où il s'est enfermé avec Jacques Boutinaud, son conseiller juridique, et Bruno Roussel, son directeur sportif, Luc Leblanc confirme qu'il restera dans l'équipe Festina. Pourtant, le lendemain, dès l'aube ou peu s'en faut, il signe un contrat de 12 millions de francs qui le lie pour trois ans au Groupement. "Il m'a trahi !" s'emporte aussitôt le patron de la formation andorrane. En réalité, Luc Leblanc n'a trahi qu'une chimère, ce que Frédéric Moncassin, malgré un procès avec le Groupement, viendra confirmer en hiver : "Pour obtenir son accord, Roussel avait dit à Luc que j'allais rejoindre Festina. Or, à l'époque, j'avais déjà signé avec Mollet. Évidemment le pot aux roses fut découvert, et Luc changea d'avis. L'affaire s'est dénouée sur un simple coup de fil, lorsque Luc m'a appelé pour savoir qui de Mollet ou Roussel disait la vérité ...". Cependant, au terme de ce mois d'août à nul autre pareil, le rythme s'emballe tout à coup ! Dans l'avion qui le ramène en France, au lendemain de son titre mondial, Luc Leblanc apprend en effet qu'un livre circule de main en main, qui présente le Groupement comme une société interlope, une sorte de secte pour tout dire. "Mais où donc Luc Leblanc s'est-il fourvoyé ?" interroge, à bon droit, notre confrère Guy Roger dans les colonnes de l'Equipe. Le soir même, toute la presse nationale reprend la question. "D'après mes renseignements, c'est Guimard qui a montré le bouquin ..." accuse alors Guy Mollet. Durant quelques semaines, les deux hommes éviteront de se voir ...

SEPTEMBRE 1994 - LE GROUPEMENT OUVRE SA PORTE

Dans un contexte désormais défavorable, Guy Mollet et Patrick Valcke entérinent l'embauche de Graeme Obree, ce qui leur permet d'aligner, dans une même espérance, le recordman de l'heure et le champion du Monde en titre ! Cela dit, par-delà cette indéniable réussite, des voix s'élèvent de plus belle contre les méthodes du Groupement, si bien que Jean Godzich ouvre grand les portes de son usine, établie dans l'Eure, à Fleury-sur-Andelle. "Tout a commencé en 1987, avec un chiffre d'affaires de 10 millions de francs. Maintenant, nous réalisons 650 millions de chiffre d'affaires grâce à cinquante mille revendeurs et mille trois cents commerçants inscrits au Registre du Commerce ..." explique t-il. Présent sur place en qualité de vice-président de la ligue du cyclisme professionnel, Jean-Marie Leblanc confirmera, par la suite, qu'il a visité "une belle entreprise, avec un vrai fonctionnement économique, des bureaux, des chaînes et des centres de stockages". En revanche, il ne sait pas que penser de la permanence des critiques. Une secte ? "Ce n'est pas aux simples citoyens de se prononcer ?" fustige t-il en évoquant clairement "un état de droit". A tout le moins, comme l'écrit Thierry Noir dans La France Cycliste, il veut croire que "le Groupement doit aujourd'hui profiter du bénéfice du doute".

NOVEMBRE 1994 - LE SENAT SONNE L'ALARME

Au plus fort de la tempête, alors que journaux et médias audiovisuels renchérissent tour à tour ("Le rachat du champion cycliste Luc Leblanc révèle la prospérité suspecte d'une entreprise aux méthodes ésotériques importées des Etats-Unis" lit-on par exemple, dans le Monde du 3 Novembre), le Sénat adopte, mardi 15 novembre, en première lecture, une disposition visant à interdire les ventes dites "pyramidales" ou "multiniveaux" importées des Etats-Unis. Aussitôt, dans une Lettre ouverte aux parlementaires, avant étude du projet de loi par l'Assemblée Nationale, le Groupement répond qu'il souhaite "clarifier le fonctionnement de la vente multiniveaux". Il évoque aussi son "souci de transparence". Dans une seconde lettre datée du 16 novembre, Jean Godzich appelle à "une consultation urgente des professionnels du secteur [qui] éviterait de légiférer à la hâte". "Le Groupement considère que le projet de loi du Sénat, en l'état actuel de sa formulation, est juridiquement contestable et met en cause la liberté du commerce et des échanges", ajoute t-il en évoquant les derniers textes concernant la vente à domicile. Interrogé sur ce point qui conditionne, plus que tout, la pérennité de son équipe, Guy Mollet, peu après, lèvera les bras au ciel en signe d'impuissance. A six mois des élections présidentielles, il est clair que "l'affaire Groupement" dépasse le cadre sportif et les rumeurs du peloton. Il va de soi qu'on touche, ici, la grande distribution, la nouvelle consommation des ménages. Jean Godzich est le premier à savoir que les enjeux se pèsent en milliards...

DECEMBRE 1994 - GUY MOLLET EN APPEL

De retour des Etats-Unis où il a rassemblé ses vingt et une recrues autour des principaux distributeurs du Groupement, Guy Mollet remet à Daniel Baal, le président de la Fédération française de cyclisme, un chèque de 3 137 500 francs pour garantir sa présence sur les courses. Dans la foulée, il embauche Jérôme Chiotti, l'un des espoirs du cyclo-cross national. "Si ce gosse, dont Guimard ne voulait pas, pouvait devenir champion de France, ce serait une sacrée récompense", espère t-il à haute voix, en nous recevant dans la banlieue de Lillers où Sport Compétition a élu domicile. Sur un ton moins commode, il stigmatise évidemment "la campagne de presse qui s'acharne contre l'un des plus gros sponsors de l'histoire du cyclisme". Pour ceux qui oublient de balayer devant certaines portes, il s'indigne aussi des sommes occultes qui circulent dans le peloton. "Arrêtez ! Mais arrêtez de nous détruire ! Lance t-il enfin à l'intention de la presse. Laissez-nous au moins le temps d'exister pour que nous puissions le prouver ...".

Retrouvez très bientôt, le troisième épisode de ...

La folle saga de l'équipe cycliste

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